Répondre à la demande est l’objectif prioritaire du commerce en général et de la grande distribution en particulier. Alors quand le consommateur demande du bio, on se débrouille pour lui en trouver. Le risque est que nos aliments parcourent des milliers de kilomètres en camion car la production française reste bien faible au regard de la demande. La solution trouvée par la grande distribution est d’obliger tout producteur qui désire travailler avec elle à proposer une partie de sa gamme en bio. A priori simple pour les transformateurs de l’agroalimentaire qui intègrent des produits bio dans la préparation de gâteaux, plats préparés ou fromages. En réalité compliqué car la faible production et le militantisme des producteurs actuels de fruits et légumes ou de viande bio ont trouvé seuls les débouchés en direct via les AMAP ( Association pour un Maintien de l’Agriculture Paysanne). Le résultat est que l’agroalimentaire ne trouve pas de matière première ou à un prix élevé car ce qui est rare est cher.
Pour ce qui est des producteurs de fruits et légumes bio c’est encore plus complexe. Même si la réglementation européenne permet aux exploitants agricoles la mixité dans leurs cultures, les agriculteurs sont bien souvent convaincus que l’agriculture productiviste est la meilleure solution pour répondre aux besoins ou à l’inverse que seul le bio est la solution pour vivre décemment de leur métier.
La conversion des exploitations qui travaillent aujourd’hui en intensif reste donc un objectif crédible. On peut à priori s’en réjouir car la diminution des surfaces cultivées en intensif au profit du bio est une petite victoire sur le modèle dominant. Si ce n’est que le cahier des charges européen qui tente de répondre à la demande forte du public, a réduit considérablement les contraintes liées à la production en bio. Le point le plus notable est l’absence d’obligation d’appliquer la rotation des cultures qui éloigne les ravageurs en les empêchant de se fixer et de proliférer sur un territoire, ou qui permet de piéger l’azote de l’air en cultivant des légumineuses pour régénérer les sols et éviter l’apport d’engrais.
Pour éviter que l’agrobusiness réduise les règles qui régissent le bio à la portion congrue, il faut trouver des alternatives qui permettront d’augmenter fortement la production bio sans en changer l’esprit. Circuits courts, revenu décent pour l’agriculteur qui lui évite le recours aux aides pour survivre, respect de la nature et de la biodiversité… Le bio ne doit pas vendre son âme pour succomber aux sirènes du marché.
Les circuits existants comme les AMAP doivent se développer pour que les particuliers puissent recréer ce lien nécessaire à la nature. Les producteurs doivent proposer leurs productions directement sur les marchés. Mais on peut également imaginer de nouvelles conventions avec les producteurs qui leur permettront de convertir rapidement et durablement leurs exploitations. Les gros consommateurs que sont les lycées par exemple, 100 000 repas jour en Région Centre, pourraient, sur le modèle des AMAP, contractualiser avec les producteurs et s’engager sur un volume annuel de pommes, carottes… qui assureraient, y compris pendant la conversion, un débouché aux agriculteurs. Et puis on peut créer des surfaces de vente en direct comme cela se fait dans quelques régions où les producteurs se relaient pour proposer l’ensemble de la gamme bio au meilleur prix. Il existe une vie en dehors de la grande distribution qui exploite les agriculteurs et pratique des marges énormes sur leur dos.
Le plus important à mon avis est de soutenir les agriculteurs qui n’auraient jamais dû devenir des exploitants agricoles. On peut nourrir la planète sans recourir à des pratiques destructrices de notre environnement.
Jean-Philippe Grand
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