Transports scolaires payants dans le Loiret

Une mise au point d’Estelle Touzin et Thierry Soler, conseillers généraux Europe Écologie Les Verts.

Pour de nombreuses familles du Loiret, la nouveauté de la prochaine rentrée scolaire, c’est qu’il faut payer pour l’accès des enfants aux autocars départementaux du réseau Ulys. Jusqu’à présent, les trajets purement scolaires sur ce réseau étaient gratuits. La mesure prise par le Conseil général du Loiret est donc symbolique et elle suscite, à juste titre, de nombreuses réactions. C’est pourquoi il nous semble important de préciser les tenants et les aboutissants de notre position à ce sujet en tant que conseillers généraux écologistes.

Contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre ici ou là, le Conseil général du Loiret n’a pas décidé à l’unanimité de la participation des familles au coût des transports scolaires, loin s’en faut. Lors de la décision prise en mars 2012, le dispositif mis en place à la rentrée prochaine a recueilli 27 voix pour et 14 contre, à savoir celles des deux groupes d’opposition, Socialiste, Écologiste et Républicain d’une part, Communiste et Républicain d’autre part. Nous avons donc, pour ce qui nous concerne, voté contre cette participation des familles.

Lorsque ce dispositif a été présenté au Conseil départemental de l’Éducation nationale, le 21 mai 2012, Thierry Soler étant l’un des représentants du Conseil général, il a également voté contre, tout comme les représentants des familles et des personnels de l’Éducation nationale.

C’est ainsi que seule la majorité de droite du Conseil général du Loiret a souhaité le paiement des transports scolaires tel qu’il se pratiquera dans notre département à compter de la rentrée de septembre 2012. Prétendre que la gauche et les écologistes soutiennent ce dispositif est tout simplement erroné.

En revanche, il y avait bien eu, en décembre 2011, un large consensus sur le principe d’une recette budgétaire nouvelle qui résulterait de l’abandon de la gratuité totale de la carte de transport du département. Toutes les sensibilités dans l’Assemblée se sont alors exprimées dans ce sens. Toutefois, le consensus reposait alors sur une condition essentielle : le prix de la carte devait prendre en compte la capacité contributive des familles. C’est ainsi qu’au cours du débat, Thierry Soler a proposé, sans être contredit, que l’on « garantisse la gratuité pour les familles qui n’ont vraiment pas les moyens de payer ». Un peu plus tard, répondant à Claude Bourdin, le Président Doligé a explicitement annoncé une « différenciation tarifaire selon la capacité financière des familles ». Autant dire que toute l’opposition de gauche et écologiste s’est sentie flouée lorsqu’il nous a été proposé, au cours de la session suivante, une tarification très éloignée de ces préoccupations sociales et dont les réductions consenties aux familles le sont presque exclusivement en fonction du nombre d’enfants scolarisés.

Cette tromperie de la majorité explique notre vote sur le principe, dans un premier temps favorable. C’est donc très logiquement que nous avons ensuite émis un vote négatif lors de la prise de décision effective par le Conseil général.

Mais ne nous voilons pas la face. Nous savons aussi que certains estiment que seule la gratuité totale pour tous est acceptable dans le domaine scolaire. Sur le principe, nous sommes bien conscients de les décevoir. Nous comprenons leur position, bien entendu, mais il est clair qu’elle dépasse largement le cadre de la décision qui s’applique dans le Loiret aujourd’hui. Cela nous entraîne dans le débat de fond à propos de la gratuité de l’École publique et de tout ce qui contribue à la scolarisation des jeunes en France : livres et fournitures scolaires, ordinateurs, transports, cantine, sorties ou voyages pédagogiques. Il y a des divergences à ce sujet. Faut-il faire un principe de la gratuité totale pour tous ? Est-il préférable de discuter de ce qui doit absolument rester gratuit et de ceux pour qui cela doit être gratuit ? Il est souvent proposé, par exemple, que les repas pris à la cantine scolaire soient payants avec des tarifs inférieurs au prix coûtant et basés sur un système de quotient familial.

Dans le Loiret, au sein du Conseil général, dans un contexte bien précis de compétence départementale à assumer avec un budget réduit, la gauche et les écologistes se sont effectivement exprimés en faveur d’un paiement par les familles pour le transport, en fonction de leurs moyens. « On ne demande pas que personne ne paie » a ainsi expliqué Michel Guérin, Conseiller général communiste du canton d’Ingré.

Cette position, qui est la nôtre, peut être discutée, certes, mais dans la mesure où l’on ne la sort pas de son contexte ; il nous paraît important d’en préciser quelques points essentiels :

  • En tout état de cause, la participation des familles du Loiret ne couvrira que 10% environ du coût total du service rendu, le reste étant toujours financé par la collectivité.
  • La compétence du Département se limite aux transports interurbains par la route ; bien avant la rentrée 2012, la plus grande partie des élèves scolarisés dans le Loiret ne bénéficiait pas de ces transports départementaux gratuits pour se rendre à l’école, au collège ou au lycée.
  • C’est un phénomène assez bien connu, un service totalement gratuit entraîne un surcoût pour la collectivité qui est amenée à payer des cartes de transports pour des administrés qui n’en ont finalement pas l’usage. Renoncer à la gratuité est une forme de décroissance, au moins pour les finances publiques.
  • Les finances des collectivités territoriales, justement, ne sont pas florissantes : l’instauration d’une participation des familles aux transports scolaires de compétence départementale est un choix budgétaire à comparer aux autres compétences, notamment sociales, pour lesquelles le Conseil général arrive difficilement à équilibrer son budget.
  • La gauche et les écologistes au sein du Conseil général du Loiret ont explicitement revendiqué la mise en place du quotient familial pour le transport scolaire, en allant jusqu’au maintien de la gratuité pour les plus défavorisés, tout comme ils ont régulièrement demandé que ce même quotient familial soit introduit dans la tarification des repas dans les cantines départementales.

Il y a donc une logique dans notre renoncement à une certaine gratuité des transports scolaires dans le Loiret et ce n’est ni un renoncement à la vocation émancipatrice de l’École publique, ni un renoncement à la vocation sociale du Conseil général.

C’est ainsi que nous assumons pleinement la position prise au sein du Conseil général avec nos collègues Socialistes et Communistes : pas systématiquement hostile à une participation des familles mais résolument opposé au dispositif adopté par la droite.

Enfin, s’agissant des transports publics autres que scolaires, nous ne considérons pas la gratuité pour tous comme une mesure écologiste. Faire un principe de la gratuité des déplacements collectifs nous paraît même contre-productif en terme d’étalement urbain. Le plus important en matière de transports publics nous paraît être la qualité du réseau (desserte, rapidité et fréquence) et son rôle structurant dans l’urbanisme et l’aménagement du territoire.