Serge Grouard et le développement durable : un alibi pour de mauvais choix

Les élus du groupe d’opposition orléanais PS, Verts et apparentés, ont publié un communiqué de presse (reproduit ci-dessous), à la suite des récentes annonces par Serge Grouard du prochain remplacement de l’actuelle chaufferie de la Source (réseau de chaleur de la SOCOS, géré par Dalkia) par une installation à bois biomasse.
Par le jeu des subventions indirectes (achat d’électricité à tarif préférentiel) et de la participation de la Ville d’Orléans, le groupe Dalkia (dans sa gestion de la SOCOS mais aussi par sa filiale « Biomasse et développement » intéressée au projet), se voit déléguer un projet estampillé « développement durable » dans des conditions peu transparentes.
Si la solution retenue n’est en effet techniquement pas inintéressante, elle souffre malgré tout de la comparaison avec l’opportunité de mettre en place un autre dispositif d’énergie renouvelable particulièrement adapté au site et beaucoup moins onéreux pour le contribuable : la géothermie.
Comme pour de nombreux dossiers conduits par la majorité municipale orléanaise, c’est le principe de la délégation de service public qui est retenu, la municipalité se dessaisissant du contrôle concret de ce qui est mis en place et de la conversion vers un choix réellement adapté à la situation, au profit de l’expertise orientée d’une société privée, qui se trouve ainsi en position de prescripteur et de maître d’œuvre, juge et partie. Ce dispositif ne permet pas une étude ouverte et désintéressée de la solution la plus cohérente face à une situation particulière.
Développer l’usage de la biomasse est sans nul doute une bonne idée, mais cela ne saurait se faire en concurrence d’autres énergies renouvelables plus appropriées.
Le développement durable ne doit pas devenir une grande bâche publicitaire qui cache des travaux malvenus et la préservation d’intérêts privés tandis que le coût pour le contribuable est en apparence artificiellement minoré. Sur ce projet précis, il semble bien que le mieux-disant environnemental n’ait pas été correctement évalué, et que la concertation n’ait pas été engagée comme le préconise l’agenda 21 de la ville.

À Orléans La Source, une énergie renouvelable peut en cacher une autre !

Après la pose de la première pierre du nouvel Hôpital d’Orléans à la mi-novembre 2009, les élus Verts, socialistes et apparentés de la Ville ont été interpellés par un article de la République du Centre daté du 16 novembre 2009, qui leur apprenait que le nouvel hôpital serait raccordé au réseau de chauffage urbain de la ville d’Orléans, réseau à eau surchauffée de la SOCOS géré par la Société Dalkia. Suite à cet article qui précisait que les travaux de raccordement avaient déjà débuté en catimini aux alentours du 10 novembre, Marie-Thérèse Noël, Ghislaine Kounowski et Jean-Philippe Grand ont aussitôt demandé à rencontrer le maire d’Orléans, président du conseil d’administration de l’hôpital, qui n’a pas donné suite à leur demande.

Plus récemment, le numéro de la Tribune d’Orléans, daté du 4 février, apprenait à la population que « Le quartier de la Source se chauffera au bois en 2012 » ce qui, selon les déclarations du maire, concernerait 13.000 logements ou équivalents, comprenant le BRGM, l’Université, des bâtiments communaux et, bien sûr, le futur Hôpital qui compte pour 4 à 5 mégawatts de puissance thermique sur les 33 mégawatts du projet de cogénération au bois porté par la Société Dalkia, soit moins de 10 % de la production énergétique du réseau de chaleur de La Source.
Pour bien comprendre, il faut savoir qu’un projet de cogénération relève avant tout de la production d’électricité, dans le cas présent à partir de bois, et qu’il utilise le procédé de production d’électricité au moyen d’une turbine à vapeur permettant de récupérer de la chaleur qui est injectée dans le réseau de chaleur urbain. La technique est très intéressante, mais les choses sont moins claires si on sait que le principe des réseaux à eau surchauffée, où l’eau circule à une température allant jusqu’à 160°C dans les canalisations, est aujourd’hui totalement dépassé énergétiquement et soulève de nombreuses contraintes notamment en matière de sécurité.

La centrale de cogénération au bois bénéficiera, pour être rentable, d’une aide de l’Etat, dans le cadre d’un appel à projets du Ministère de l’Ecologie, qui a ainsi sélectionné récemment 32 projets. Ceux-ci bénéficieront d’une aide par le biais d’un tarif d’achat de l’électricité produite extrêmement attractif de 145 €/mégawatt.heure garanti sur 20 ans. Or l’article de la Tribune indique que la centrale de La Source produira 100.000 mégawatt.heure au total (sur 12 ans ou 18 ans ?) ce qui engendre un revenu de 14,5 millions d’Euros auquel la Ville d’Orléans abonde de 5 millions d’Euros, comme le confirme l’adjoint aux finances, Michel Martin. Ce montage contribue à financer à plus de 59 % un projet dont le coût est de 30 millions d’Euros, ce qui est une aide très importante avec de l’argent public.

Enfin, on nous dit que la chaufferie sera alimentée par plus de 70.000 tonnes de bois par an provenant de la forêt et de près de 20.000 tonnes provenant du recyclage.
Mais d’où proviendra exactement ce bois ?
Quelle distance parcourra-t-il pour parvenir à la chaufferie et par quel mode de transport ?
Quelles nuisances seront générées par ce transport et quel en sera le coût énergétique ?
L’article est bizarrement muet sur ce sujet qui était pourtant un point important du cahier des charges de l’appel à projets et le directeur d’Arbocentre qui évoque une croissance importante de l’utilisation du bois en région Centre, n’est peut-être pas sensibilisé à ces questions légitimes et au risque de concurrence inutile entre deux types d’énergies renouvelables.

À qui profite donc cet investissement payé à près de 60% par le contribuable ?
À la Société Dalkia bien sûr, qui voit au passage son contrat de gestion de la SOCOS renouvelé pour 12 ans alors que l’échéance aurait été en septembre 2012 et, qui plus est, sans passer par un appel d’offres, auquel aurait dû la contraindre le code des marchés publics. Exploitant du réseau depuis sa construction, cette société n’a jamais été remise en concurrence. Nous sommes donc en droit de nous poser la question de la pertinence des tarifs d’énergie actuellement pratiqués par Dalkia. En outre et du fait de l’importance des volumes de bois destinés à l’alimentation de cette centrale, ne risque-t-on pas de laisser s’instaurer un quasi-monopole de cette société sur le potentiel de biomasse en région Centre ?
Par ailleurs, la reconduction du marché de Dalkia aurait dû être conclue dans un délai d’au minimum 3 ans avant l’échéance, soit au plus tard en septembre 2009. La ville a-t-elle été vigilante sur cette échéance qui semble bien, dans le cas présent, être hors des délais légaux ?

Enfin, lorsqu’on sait que 5 projets de Dalkia ont été retenus sur les 32, par l’appel d’offre gouvernemental et que l’aide de l’Etat sera sans doute accordée à EDF pour le rachat de l’électricité produite, on peut se poser la question du bon usage de l’argent public au bénéfice de Dalkia, Division Energie de Veolia Environnement, partenaire privilégié d’EDF qui détient au moins 34 % du capital de cette société.

Il existe, en effet, un projet concurrent pour le chauffage du futur Hôpital d’Orléans, au moyen de la géothermie, réputée abondante dans le sous-sol de La Source et qui, aujourd’hui, permet de chauffer près de 170.000 équivalent-logements en région Ile-de-France.
Ce projet, qui permettrait de chauffer et climatiser intégralement l’hôpital, peut aussi autoriser le raccordement d’entreprises locales du domaine de Limère, qui y sont favorables.
Pour être mis en œuvre, il aurait occasionné la prise en charge, à hauteur de 10 % maximum, du risque, très improbable, de ne pas trouver de ressource en eau lors de la réalisation d’un premier forage, soit un risque maximum de 400.000 € et le choix de radiateurs plus modernes à l’hôpital , pour environ 250.000 €.
La géothermie, qui n’a pas été étudiée correctement par l’équipe de projet, permettrait de transformer progressivement le réseau d’eau surchauffée en un réseau à basse température opérant ainsi un virage qu’il faudra de toute évidence prendre un jour.
En ce qui concerne l’intérêt local de cette opération de géothermie, il faut savoir que, comme pour la chaufferie au bois, elle peut bénéficier d’une aide publique sur le Fonds chaleur géré par l’ADEME et de la baisse de TVA de 19,6 à 5,5% profitable à l’usager.
Ce dispositif conduirait, ainsi, à une forte baisse du prix de la chaleur pour l’hôpital mais également pour le réseau tout entier. En effet, l’usage de la géothermie, pour une opération sur 20 ans, qui ne serait utilisée qu’à 46 % de ses capacités (besoins de l’hôpital seul) et avec une aide de l’Etat équivalente à celle de la cogénération au bois, conduirait à un prix de vente de 43€ HT/Mwh contre environ 50€ HT/Mwh actuellement. L’utilisation totale de la capacité géothermique par le raccordement d’autres usagés permettrait d’abaisser ce tarif à 35 €HT /Mwh environ, soit un gain d’au moins 25 %.
Le quartier de la Source se situe dans une zone qui est géologiquement la plus favorable de la région à la géothermie. Présente ici plus qu’ailleurs en région, elle ferait du réseau de chaleur de la Source une référence environnementale, économique et sociale.

Nous aurons besoins de toutes les énergies pour atteindre les objectifs de 2020 en matière de réduction des gaz à effet de serres, de la biomasse, bien sûr, mais également de la géothermie. Comment peut-on laisser passer l’opportunité d’une installation géothermique pour un hôpital à « Haute Qualité Environnementale » dans la zone géologique la plus favorable de la région ?

La Région et l’ADEME, lorsqu’elles financent des audits énergétiques, demandent aujourd’hui que toutes les ressources renouvelables soient étudiées pour un projet de collectivité locale ou d’entreprise. Parce que le développement durable ne doit pas se contenter de la réalisation d’un beau document d’Agenda 21 mais produire un changement radical des mentalités en sortant, une fois pour toutes, de la logique de marchés qui conduit dans le cas présent à une concurrence sans fondement entre deux énergies renouvelables, alors que la bonne énergie au bon endroit devrait prévaloir. Le Maire d’ orléans devrait donc se saisir de cette occasion unique pour positionner la ville d’ Orléans comme réellement ambitieuse au niveau local et national dans sa politique de Développement durable.

Nous demandons donc que soit étudiée, de façon rigoureuse et indépendante de toute société énergétique, l’intégration de la géothermie dans ce réseau en conservant l’usage du bois comme appoint ou secours, avec une remise en concurrence de son actuel délégataire en 2012.

Marie-Thérèse Noël, Ghislaine Kounowski et Jean-Philippe Grand
pour le Groupe de l’Opposition Municipale PS, Verts et Apparentés.

Un commentaire

  1. Merci pour cet article de fond qui j’espère trouvera un écho au niveau de la presse.

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