Nagoya : la biodiversité enfin reconnue comme une des ressources vitales prioritaires !

Historique : non seulement les enjeux colossaux de la perte de biodiversité s’imposent en terme économique et de bien-être, mais elle est désormais reconnue comme un facteur majeur de sortie de pauvreté et de consolidation économique. L’accord fait une place importante aux régions, car chaque échelon doit se responsabiliser et lui faire sa place, en supprimant notamment les subventions néfastes, pour des politiques enfin à la hauteur des enjeux, au bénéfice de tous ! 

Après 12 jours de rebondissements à Nagoya (Japon), la 10ème conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (COP 10) a pris fin vendredi 29 octobre, par l’adoption d’un Protocole contenant 20 objectifs pour 2020. Les 193 Parties (à l’exception des Etats-Unis qui n’ont jamais ratifié cette convention) ont adopté les 3 grandes décisions attendues : Protocole ABS (précisant l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantage issus de leur utilisation), Plan stratégique 2012-2020 et financement.



Une délégation de la Région Centre, conduite par Pascale ROSSLER, vice-présidente déléguée à la biodiversité, à l’éducation à l’environnement, à la Loire, au tourisme et aux patrimoines, s’y est rendue afin de suivre les négociations, animer un atelier présentant les expériences menées en région (notamment en matière de coopération décentralisée), multiplier les rencontres afin de créer des synergies et trouver des pistes de co-financements, nourrir la réflexion et par là même, sa stratégie régionale pour la biodiversité.




Après l’« échec » du sommet de Copenhague sur le dérèglement climatique, en décembre dernier, cette étape historique révèle enfin une prise en compte réelle des enjeux de la préservation de la biodiversité dans une approche globale. La perte de la biodiversité et des écosystèmes constitue une menace pour le fonctionnement de notre planète, de notre économie et de l’humanité.

Cet accord reconnaît en effet les liens étroits qu’il existe entre l’état de la biodiversité et les grand enjeux internationaux tels que la pauvreté, la santé et le dérèglement climatique.

Il devrait ainsi être pris en compte et mis en cohérence avec les autres conventions internationales, dont les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en lien avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et permettre de redonner des couleurs au processus de négociation onusien sur l’environnement, notamment lors du sommet sur le climat qui se tiendra à Cancun (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre prochain.

Il reconnaît le lien étroit qu’il existe entre biodiversité et économie : le rapport TEEB de l’économiste Pavan Sukhdev réalisée en 2010 sous l’égide de l’ONU et présenté lors du sommet, équivalent du rapport Stern sur le dérèglement climatique, nous éclaire sur le coût des services gratuits rendus par les écosystèmes et le coût de l’inaction dans ce domaine. Alors que 40% de l’économie repose sur les services rendus par les écosystèmes, 60% de ces services sont compromis par nos modes de production et de consommation. Le coût de l’érosion de la biodiversité est estimé à 3 100 milliards de dollars par an, soit 7% du PIB. A l’inverse, 1 euro investi aujourd’hui dans la biodiversité, c’est un bénéfice de 100 euros au bout de dix ans, toujours selon cette étude.

Ainsi, le protocole sur le partage des bénéfices issus de l’exploitation de la biodiversité (protocole ABS) pose les bases d’un nouveau régime plus éthique dans l’accès aux ressources, qui permettra d’éviter le pillage du patrimoine naturel, reconnu désormais comme un véritable vecteur de lutte contre la pauvreté. En effet, la vie des plus pauvres est intimement liée à l’environnement (agriculture, pêche…) et donc aux services rendus par les écosystèmes. L’amélioration de leur environnement leur permet notamment de développer leur production alimentaire. Ce protocole pourrait rapporter plusieurs milliards de dollars aux pays en voie de développement disposant d’importantes ressources naturelles et contribuer à préserver les ressources.
Le plan stratégique est décliné en 20 objectifs qui doivent notamment permettre de réduire au moins de moitié la perte des habitats naturels, incluant les forêts, d’ici 2020, en vue bien sûr à terme, d’enrayer le déclin de la biodiversité. Il stipule également qu’il faut supprimer les « subventions néfastes » à l’environnement et éviter la surexploitation des stocks de poissons. Concernant les objectifs en termes d’aires protégées, les engagements pris concernent 17% d’aires terrestres à protéger (pour 13% actuellement sous protection et 25% souhaités dans l’accord initial) et 10% pour les zones marines d’ici 2020 (pour 1% de zones actuellement protégée et 15% attendus). Enfin les pays se sont engagés à restaurer 15% des écosystèmes dégradés.
En termes de financement, à l’exception de quelques engagements importants comme ceux du Japon et de certains pays ou régions comme la France et l’Union européenne, les pays ont seulement réussi à se mettre d’accord pour parvenir a une identification plus précise des besoins financiers et sur la liste d’indicateurs de suivi, ainsi que sur une stratégie de mobilisation de fonds d’ici 2012.
Ce protocole enfin signé va par ailleurs permettre d’accélérer la création de la « plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité» (IPBES), l’équivalent du GIEC pour la biodiversité. Cette décision pourrait être prise en novembre de cette année avant la conférence de Cancun sur le Climat.
Enfin, tous les acteurs publics et privés et à toutes les échelles (locales, régionales, internationales) sont exhortés à développer une collaboration étroite entre les conventions, dans approche cohérente et synergique. Le Sommet des Villes et des Autorités locales pour la diversité biologique, a été approuvé et confirme la place que les collectivités locales doivent prendre dans ce défi. Les engagements pris aujourd’hui devront être déclinés en France.



L’Europe et la France ont brillamment rappelé que « la dette sur la nature ne se rembourse pas » et tiré vers le haut les négociations en s’engageant très tôt sur des montants importants. En effet, la France entend, d’ici 2012, tripler le volume de l’Aide Publique au Développement (APD) en faveur de la biodiversité (soit 200 millions d’euros), et plus largement, d’ici 2014, élever le financement pour la biodiversité à 500 millions d’euros.
Nous nous réjouissons de ces déclarations et resterons vigilants quant à la provenance de ces fonds (la double ou triple valorisation de fonds existant déjà sur des ligne biodiversité dans d’autres conventions, comme celle sur le climat par exemple, sont affaires courantes) et rappelons qu’aujourd’hui, les collectivités territoriales financent plus de la moitié des actions en faveur de la biodiversité, là où l’Etat n’intervient qu’à hauteur de 14%.
Outre NatureParif, l’agence régionale pour la Biodiversité en Ile-de-France, que la région Centre a rencontrée à Nagoya, les villes de Grande-Synthe (Capitale française de la biodiversité 2010), Montpellier et Paris étaient présentes.

Pascale Rossler, VP Biodiversité Région Centre, Benoît Faucheux, conseiller au cabinet et Loïc Bidault, Directeur du PNR Loire-Anjou-Touraine, lors d’un atelier sur la gestion de la biodiversité dans les bassins fluviaux


Ce sommet fut également pour la délégation de la Région Centre, l’occasion de promouvoir les actions menées sur son territoire et via ses actions de coopération décentralisée. Le jeudi 28 octobre, la Région Centre a en effet tenu un atelier sur le renforcement des autorités locales dans la protection de la biodiversité dans les bassins fluviaux. Il s’agissait de présenter les actions exemplaires de la région sur la Loire, en particulier celles du Parc Naturel Régional Loire Anjou Touraine, ainsi que l’expérience des coopérations décentralisées engagées entre la Région Centre, Luang Prabang au Laos, et Mopti au Mali.

Séance de travail en présence d’un représentant du Secrétariat de la Convention, et du Directeur des Forêts du Laos


A l’issue de cet atelier où les transferts de connaissances ont donné lieu à des échanges constructifs, de nouveaux contacts ont été établis notamment avec l’administration du Laos, présente dans ces négociations internationales, et l’antenne lao de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Une réunion de travail s’est tenue par la suite et des pistes d’action sur la biodiversité et de nouveaux financements ont été évoqués, en présence d’un représentant du Secrétariat de la Convention, et du Directeur des Forêts du Laos.

Pascale Rossler, VP Biodiversité Région Centre, et Jean-Pierre Thebault, ambassadeur de l’Environnement pour la France


Enfin, la rencontre d’autres acteurs pertinents et le travail de diffusion d’information auprès des réseaux présents va sans aucun doute permettre de créer des transferts d’expériences et des synergies avec des structures et organismes nationaux et supra-nationaux (Programme des Nations Unies pour l’environnement -PNUE, Fonds pour l’environnement mondial -GEF, Union internationale pour la conservation de la nature -UICN,..)

la Convention sur la Diversité Biologique insiste sur l’arrêt des « subventions perverses », ces subventions qui génèrent des effets induits désastreux sur la biodiversité. Il convient pour nous aussi de veiller à ce que nos subventions régionales n’entraînent pas d’effets pervers sur la biodiversité et s’inscrivent bien dans cette approche globale. Souhaitons que la révision de la PAC en 2013 prenne bonne note de ce nouveau cadre..

En 2011 la Région Centre va définir sa stratégie régionale pour la biodiversité, et se réjouit de s’inscrire résolument dans cette dynamique. L’élaboration de cette stratégie sera l’occasion de relever cet ambitieux défi, pour que la prise en compte globale de la biodiversité et des opportunités qu’elle représente dans toute notre économie et pour notre bien-être s’élève enfin à la hauteur des enjeux, et ceci au bénéfice de tous…

Pascale Rossler
Vice-présidente Europe Ecologie du Conseil Régional du Centre, déléguée à la biodiversité, l’éducation à l’environnement, la Loire, le tourisme et les patrimoines.