Les manifestations actuelles en France, et tout particulièrement en Bretagne, peuvent faire craindre de nouveaux retards dans la mise en place de l’écotaxe poids lourds. Nous voulons dire aujourd’hui avec force qu’un nouveau report ne règlerait rien, et retarderait encore la nécessaire modernisation de l’offre de transport et d’organisation logistique dans ce pays.
L’écotaxe c’est d’abord une fiscalité écologique qui instaure un cercle vertueux : Elle résulte du Grenelle de l’environnement. Cette taxe existe dans cinq pays européens. Mise en place dès 2005 en Allemagne, elle a permis de mobiliser 4,3 milliards d’euros en 2012, et la part du fret ferroviaire y a fortement augmenté.
En faisant payer l’usage des routes par leurs utilisateurs réels, l’écotaxe s’inscrit dans une logique de changement des comportements et une optimisation des transports : moins de marchandises circulant en tous sens sur nos routes et des circuits plus courts. En s’appliquant aussi aux camions circulant à vide, elle incite également les transporteurs à rationaliser les tournées.
Il s’agit aussi de relativiser son impact sur les prix : le coût du transport représente 10% du prix des marchandises, la taxe est de 4,1% et elle ne porte que sur le transport routier empruntant les seules routes surchargées (1% du réseau routier français). L’impact de la taxe sera très limité, la moitié d’1 centime pour une salade de 1 euro. Même pas le coût du sachet plastique ! Bien loin du gaspillage de la chaîne de distribution (7% du prix du produit soit 7 centimes pour une salade à 1 euro).
Ceux qui s’insurgent contre cette taxe aujourd’hui manipulent la réalité. L’écotaxe ne va pas détruire l’économie locale. Au contraire, applicable à tous les transports, et payable au kilomètre, elle va pénaliser les transports longs et ainsi faire baisser l’avantage concurrentiel de marchandises provenant de pays aux normes sociales et environnementales faibles, ou encore faire payer aux transporteurs routiers étrangers qui ne font que traverser la France du Sud au Nord, et qui n’apportent rien à notre économie si ce n’est pollution et destruction de nos routes. Les flux financiers créés par l’écotaxe sont ainsi créateurs d’emplois que ce soit par l’investissement en infrastructures (près de 1 milliard d’euros par an) et par la protection des emplois locaux contre certaines importations. Nous devons donc faire preuve de plus de pédagogie et de conviction dans notre manière de défendre l’écotaxe !
Concernant la Bretagne, l’écotaxe s’inscrit clairement dans le soutien à des logiques de transformation sur place des productions. Faut-il rappeler que 700 000 porcs bretons sont envoyés à l’abattage en Allemagne chaque année ! L’application de l’écotaxe irait dans le sens de leur abattage sur place. Ainsi seule la viande sera exportée, pas le cochon vivant ! Faire de l’écotaxe un symbole des difficultés actuelles du secteur est donc un contre-sens total.
En tant que Vice-présidents des commissions du développement durable au Sénat et à l’Assemblée nationale, nous estimons que le gouvernement doit rester ferme sur l’application au 1er janvier de l’écotaxe, et, tout en soutenant son aménagement dans le cas de régions excentrées, dénoncent son instrumentalisation par certains lobbies, de toute évidence plus soucieux de leurs profits immédiats en instrumentalisant ceux qui souffrent de la fin d’un modèle productiviste, que des enjeux environnementaux et de développement local.
Ronan Dantec, Sénateur de Loire-Atlantique, Vice-président de la commission du Développement durable, des Infrastructures, de l’Equipement et de l’Aménagement du territoire.
François-Michel Lambert, Député des Bouches du Rhône, Vice-président de la commission Développement Durable et Aménagement du Territoire de l’Assemblée nationale.