Le rapport de la commission pour la rénovation et la déontologie de la vie publique, remis récemment au Président de la République, a ranimé le débat sur le cumul des mandats. Nous entendons à ce sujet des arguments fallacieux qui associent le cumul, plaie de la démocratie locale, à une hypothétique proximité avec les citoyens. Malheureusement, le gouvernement a examiné hier un projet de loi qui tombe dans le même travers.
Ce projet de loi invente en effet un nouveau mode de scrutin pour l’élection de conseillers départementaux, en créant, au nom de la proximité, de nouveaux cantons où les élus seraient désignés par binôme composés d’une femme et d’un homme. Si ce système répond aux exigences formelles de la parité, on voit bien qu’il ne valorise pas l’image de la femme en politique. Un scrutin de liste sur le modèle de celui des municipalités ou des régions serait tout aussi paritaire, sans placer les femmes en roue de secours, et il a l’avantage d’obliger les candidats à annoncer leurs projets pour tout le territoire et à en rendre compte à tous leurs administrés. A l’inverse, le découpage du département en de multiples circonscriptions conforte un système clientéliste où les politiques menées ne reposent pas sur une vision cohérente du territoire administré. Dans le Loiret, le Conseil général sert essentiellement de guichet pour les instances locales qui connaissent mieux le terrain. Lorsque l’enjeu est départemental, c’est le président qui décide et sa majorité vote à l’unisson. Il nous semble que la véritable proximité, pour un élu départemental, ce serait de parcourir sans relâche l’ensemble du territoire sur lequel s’appliqueront ses décisions. Mais peut-être cet ancrage départemental n’est-il possible qu’à la condition d’exercer un mandat unique ?
Le second mensonge en matière de proximité, c’est en effet de prétendre que le cumul de plusieurs mandats permet de mieux administrer de multiples collectivités. Au delà de l’accumulation des indemnités que cela suppose et qui indigne à juste titre nos concitoyens, force est de constater que l’administration du Département se ressent de la faible disponibilité de certains élus. Ainsi les décisions politiques sont-elles parfois purement et simplement déléguées aux fonctionnaires et cadres territoriaux. Pour nous, le cumul des mandats conduit forcément à une déresponsabilisation des élus et des citoyens. C’est pour cela que nous avons tous deux choisi délibérément de n’exercer qu’un seul mandat. Simples conseillers généraux d’opposition, notre vie quotidienne n’en est pas moins remplie que celle des cumulards. Prendre le temps de parler avec les Loirétains et prendre ensuite le temps de la réflexion et de l’élaboration des projets, n’est-ce pas la véritable proximité.
Enfin, s’il fallait encore un exemple, le Conseil général du Loiret en donne un de plus cette semaine au cours de laquelle devait se tenir la session plénière aboutissant au vote du budget 2013. En arguant de décisions financières retardées par le gouvernement, le président Eric Doligé a repoussé cette session de plusieurs semaines. Il oublie de rappeler que les difficultés que les collectivités territoriales rencontrent dans l’élaboration de leurs budgets datent de plusieurs années et notamment de l’adoption d’une réforme de la fiscalité locale particulièrement malvenue au milieu de la crise financière. Cette réforme des finances locales, en 2009, le sénateur Doligé Eric en était un fervent promoteur. Il a néanmoins raison d’en dénoncer aujourd’hui les effets, lesquels justifient en partie d’attendre, avant de prendre les décisions départementales, le vote du projet de loi de finances 2013. Ce texte est actuellement examiné par le Sénat et requiert la présence des membres de la commission des finances de cette vénérable institution. C’est ainsi qu’Eric Doligé a passé l’essentiel de cette semaine à Paris. Mais alors, la vraie raison du report de la session du Conseil général n’est-elle pas dans le cumul des mandats du Président-Sénateur ?
Thierry Soler & Estelle Touzin
Conseillers généraux du Loiret