Hier et aujourd’hui se tenaient au Sénat les Etats généraux de la démocratie territoriale, dans le but de débattre d’une réforme des institutions locales de notre pays. Cette initiative faisait suite à l’échec de la réforme territoriale de 2010 qui n’avait finalement rien décidé en matière de simplification ou de clarification des compétences des différentes collectivités locales. On se souvient que le seul véritable changement issu de cette loi n’avait qu’une portée électoraliste puisqu’il s’agissait de la création du mandat de conseiller territorial. Cette façon d’élire les assemblées départementales et régionales, aujourd’hui caduque, ne résolvait pas l’enchevêtrement entre le niveau départemental et le niveau régional. Elle n’apportait pas non plus d’économie d’échelle puisqu’il s’agissait uniquement de rendre obligatoire le cumul des actuels mandats de conseiller général et conseiller régional, sans modifier en quoi que ce soit les multiples fonctions que ceux-ci auraient à remplir. Pire, la réforme Sarkozy prévoyait que ces élus le seraient dans des circonscriptions redécoupées, selon un scrutin uninominal qui favoriserait un cumul supplémentaire en privilégiant l’élection de notables déjà maires et présidents de communauté de communes.
Il est proprement scandaleux que les sénateurs UMP aient claqué la porte de ces Etats généraux de la démocratie territoriale, alors qu’ils prétendaient y défendre les élus locaux préalablement consultés (dans le Loiret, cela se passait le 17 septembre à Sully-sur-Loire). On ne saurait croire une seconde aux prétextes avancés pas plus qu’on ne peut prendre au sérieux le reproche fait à la majorité gouvernementale de vouloir revoir le mode de scrutin. Le but de la nouvelle loi ne doit pas être électoraliste, cette fois, mais il s’agit véritablement de rendre plus efficaces et accessibles les institutions de la démocratie territoriale. Il est évident que la lutte contre le cumul des mandats et pour le clarification passe par l’abrogation des conseillers territoriaux et du scrutin qui va avec. Quoi de plus naturel, en effet, que de définir pour chaque échelon territorial, quel qu’il soit, des compétences propres à s’exercer au niveau de la collectivité concernée ?. Et ne serait-il pas beaucoup plus clair, pour les citoyens, d’élire l’assemblée en charge d’administrer une collectivité selon un scrutin à l’échelle du territoire administré ? Ainsi, comme c’est déjà le cas pour les communes et les régions, les élus départementaux le seraient dans un scrutin proportionnel de liste où tous se présenteraient avec un projet départemental devant l’ensemble des électeurs du département. Aucun redécoupage ni aucune suspicion de « charcutage électoral » dans une telle réforme contrairement à celle qui avait créé les conseillers territoriaux.
Et qu’on ne vienne pas nous dire que les conseillers généraux d’aujourd’hui, élus au scrutin uninominal, apporteraient de la proximité aux citoyens. Si tel était le cas, comment se fait-il que la majorité du Conseil général du Loiret ne vote jamais selon les convictions personnelles des élus où selon le vœu des citoyens dont ils seraient « proches » ? Force est de constater qu’ils suivent comme un seul homme toutes les propositions du Président-Sénateur Doligé. N’est-ce pas la preuve qu’il n’y pas de réalité cantonale dans l’administration du Département ? Le Conseil général a bel et bien en charge l’intérêt départemental et on ne saurait gouverner efficacement le Loiret s’il fallait prendre des décisions différentes selon les cantons. Loin d’apporter un ancrage sur le terrain, le scrutin uninominal est avant tout un moyen de créer une caste d’élus clientélistes qui sont pour beaucoup dans le recul des valeurs républicaines dans l’esprit de nos concitoyens.
Estelle Touzin & Thierry Soler
Conseillers généraux du Loiret